Conflit d’usage et scandale environnemental dans la plaine de Carresse-Cassaber
Au sortir de l’audience au Tribunal administratif de Pau du 20 octobre 9h dans l’affaire qui oppose les requérants – notamment la SEPANSO, avec APQV, Salmo et riverains -, à la Préfecture des Pyrénées-Atlantiques, relative à l’Arrêté complémentaire n° 12 330/2016/011 du 26/01/2016 et celui de 2021, concernant l’exploitation de la carrière à ciel ouvert de graves alluvionnaires sur la commune de Carressse-Cassaber, par la société Daniel-Dragage du Pont de Lescar.
C’est la première fois qu’une audience est diligentée en 5 ans.
Le greffe du tribunal administratif indique à la SEPANSO et autres, le 12 octobre, qu’au nom de l’article L 181-18 2° du code de l’environnement, l’absence de signature de Mme la Préfète des Landes peut être compensée et régularisée par une autorisation modificatrice. Raison pour laquelle l’audience avait été différée du 29/09/21 au 20/10/21. L’avocat du groupe Daniel obtient un délai de 6 mois pour l’obtention de cette signature si elle s’avérait nécessaire.
Ce 20 octobre, Mme la rapporteur a plaidé contre.
Sursis à statuer, vraisemblablement de plusieurs semaines. Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Interview de M. Antoine Domenech qui représentait la SEPANSO et SALMO, à qui la parole n'a pas été accordée pendant les 2h d'audience
« Toutes les conclusions depuis le début remettent en question l’ensemble des procédures que nous avons initiées. Aussi bien sur la géographie de l’exploitation, que son environnement, que sur les chemins d’accès, que sur la légalité de la manière dont les choses se passent… On voit bien quelles sont les motivations de M. le Préfet au travers de la voix de celle qui parle en son nom… Ne sont pas du tout abordées les questions de la plaine et de ses activités, la question de l’environnement puisque sur Carresse il y a déjà la Cemex plus une autre carrière. Cela en fera trois. Personne n’a parlé des incidences sur les Landes, à savoir sur Sorde L’Abbaye où tous ceux qui connaissent savent qu’il y a une embolisation à travers les camions qui se fait à travers l’étroiture, puisque deux véhicules ne peuvent pas se croiser… Mme Laborde la maire a essayé de lutter bravement pour contrecarrer cet état de choses que personne n’a citée bien entendu… Cette affaire n’a pas été évoquée… Personne n’a parlé du concasseur qu’il faudra, parce que moi j’y suis allé sur place et je vous affirme que les galets qui font 10 cm, ne vont pas être utilisés comme tels pour la construction. Donc il préconise dans un premier temps d’aller sur Abos et de les concasser là-bas. Vous imaginez 60 km aller, 60 km retour ? Tout cela ça va durer un temps pour faire semblant et après vous allez avoir un concasseur, par forcément à côté de Carresse, parce que tout cela a été négocié entre le conseil municipal et le reste, mais on voit bien que cela risque d’impacter de l’autre côté, Sendos et Saint-Pé-de-Léren. Un tapis roulant qui passerait par-dessus le Gave,… ou ce qui est possible aussi avant le tapis roulant, ils ont renforcé, vous l’avez vu, le pont d’Auterrive, qui était à neuf tonnes et qui est passé à quarante tonnes. C’est pas par hasard. Ce dossier a toute la pression des pouvoirs publics à l’arrière. Sur l’ensemble de la manière dont il a été traité aussi bien au travers de Me Ruffié que de Me Gualandi, nos avocats, tout a été porté au mieux en termes d’argumentaires. Et tous les argumentaires n’ont pas été battus en brèche parce qu’ils sont à peine contestés. Il est toujours renvoyé à l’idée que tout cela relève de suppositions, de projections qui n’ont pas lieu d’être, donc « c’est pas vrai qu’il y a une menace, elle est hypothétique » ; « c’est pas vrai que ça menace les cultures, c’est hypothétique » ; « c’est pas vrai que ça crée des nuisances, c’est hypothétique ». Par contre ce qui n’est pas hypothétique du tout c’est que le commissaire enquêteur, lui, est intervenu pour dire que c’était pas le lieu, que c’était pas possible. Le fait que ceux qui ont vendu, ont gagné 60.000 euros par hectare, c’est à dire plus d’un million huit – entre guillemets – c’est sous-jacent, ce sont les chiffres qui circulent, c’est pas les chiffres que j’affirmerais mais c’est les chiffres qui circulent et qui correspondent à la réalité. Personne n’en parle parce que ça veut dire que c’est des sommes énormes et que où il aurait pu construire une carrière pour répondre au désir du préfet d’avoir des cailloux, il aurait pu aller sur la plaine de Lahontan, où il y a des trous partout, il pouvait en faire un de plus, ça changeait rien. Non il a préféré pour des raisons économiques creuser dans une plaine vierge… Quand les gens seront tellement excédés des camions, du bruit et du reste, ils vendront leur terre et en bas vous aurez une carrière tout aussi importante que celle de la Cemex qui est cachée derrière les arbres. …Pour les cultures, je les ai regardé faire avec les camions. D’abord c’était un nuage de poussières quand c’était sec. Mais au fur et à mesure du passage, il va devoir ré-empierrer. C’est dire que vous allez avoir ce qu’on appelle une poldérisation, les chemins petit à petit vont monter, entre les cultures. Quand l’eau va passer au lieu de s’écouler librement vers le Saleys comme elle le ferait habituellement par-dessus les levées de terre parce que ce ne sont pas des digues, et bien, elle va être coincée, vous pourrez faire du riz à la place du maïs, ça c’est tout à fait clair. Enfin, vu ces conditions… et vu la manière dont on n’a pas souhaité qu’on intervienne, il est très clair que M. le préfet et les services préfectoraux ont mis tout leur poids dans la balance. La SEPANSO ne va pas s’arrêter là, je vous l’affirme. Nous allons multiplier les procédures. Parce que cela ne concerne pas que la plaine de Carresse, ça a aussi des incidences sur Abos, j’ai vu M. Le maire de Besingrand qui lui aussi voit l’extension de la carrière vers chez lui… Ça veut dire que pour des raisons qui m’échappent complètement, sur lesquelles je ne porterai pas de jugement mais qui m’interpellent, on voit que les Établissements Daniel, qui ne représentent que 70 salariés. Parce qu’il ne faut pas croire qu’il crée des emplois, dont les directions sont essentiellement la famille, aujourd’hui, ont pignon sur rue, tout à côté de la préfecture, pour ne pas dire dans… Alors nous à la SEPANSO… On n’a jamais dit qu’on était contre les carrières sèches dans des endroits qui ont déjà été esquintés ou défigurés, pour une remise en l’état, parce que cela peut le faire. Mais qu’est-ce-que cela vient faire à CarresseCassaber, autour du Gave d’Oloron parce qu’il faut l’entendre ça, les gens le savent pas ça, parce que nous on se bat pour le développement de la vallée. Voilà ce qui est marqué, c’est [dans] Les 100.000 rivières du monde : « Le Gave d’Oloron est, l’une des plus belles et plus riches rivières de la planète. Peu importe la gestion, voire même les atteintes qu’elle a subi et qu’elle subit encore, ce Gave reste un seigneur. » … Nous sommes effarés de voir que ce préfet là et sur plein d’autres sujets ça a été le cas, est tout à fait dans le domaine des emplois à tout prix, venant au secours d’industriels qui n’en sont pas parce que ramasser du caillou, c’est comme ramasser du bois, ça ne le fait pas pousser… Il détruit de la bonne terre pour en faire un lac… Nous avons comme idée de continuer cette lutte, de reprendre ce qui c’est passé, pour savoir comment on peut agir. Je vous rappelle que la SEPANSO ou autres n’ont pas les moyens des Établissements Daniel, encore moins ceux du préfet. Nous attendons un changement d’état d’esprit des pouvoirs publics par rapport à la gestion d’espaces ruraux qui sont en déshérence et qui ont besoin d’être revitalisés mais pas de cette manière là. Parce que cela ne va pas créer d’emplois, ou si peu. Par contre cela va créer beaucoup de nuisances. Malheur à ceux qui ont des habitations tout à côté. Aujourd’hui leur patrimoine va en prendre un sacré coup. Trois carrières sur un même espace vital et rural, c’est quand même pas rien !… Il faut arrêter ce qui c’est passé aujourd’hui où pendant quasiment deux heures nous avons été assommés de textes juridiques, d’interprétations et de jurisprudence… Le tribunal lui même m’a semblé accablé… Arrêter de saucissonner le dossier pour ne pas le juger dans sa globalité.
Interview de M. André Courrèges président de l’Association foncière de Remembrement (gestionnaire des chemins) qui a pu s’exprimer en deuxième partie de l’audience :
« Ils [Daniel-DPL] se sont trompés de tribunal. C’est le tribunal judiciaire qui doit juger sur le problème d’attaquer l’assemblée générale [de l’A.F.R.], parce qu’ils contestent de fait, disant que [ses décisions] sont irrégulières. Ils se sont plantés de tribunal, ils l’ont mis au tribunal administratif qui dit qu’il n’est pas compétent et que c’est le tribunal judiciaire.
Pour le reste, j’ai contesté que la mairie ait donné un accord [de circulation]. La mairie n’est pas propriétaire des chemins, juridiquement cet accord ne tient pas et c’est bien le bureau de l’A.F.R. qui devait statuer sur l’itinéraire des chemins empruntés. Ensuite j’ai dit à Mme la Présidente que DANIEL-DPL faisait partie d’une copropriété et que dans cette copropriété il y avait les parties communes constituées par les chemins et que c’était l’Assemblée générale qui décidait de qui fonctionne sur ces chemins et l’Assemblée générale a dit non uniquement à cause du risque qu’on prenait en termes d’irrigation par rapport à cette nappe phréatique… Qui dit qu’elle va évoluer de 25 mm alors que c’est un élément naturel et (qu’on ne) peut pas présager de l’évolution de cette nappe phréatique ? Et c’est à l’industriel d’assumer l’intégralité de ce risque, c’est clair.
Les zones de croisement qui ont été mentionnées par la préfecture, existent les trois, mais elles sont mal positionnées dans l’espace, je l’ai dit. Elles sont les unes sur les autres alors que sur 800 mètres, on a pas de zone de croisement, [on est] sans visibilité, avec des camions de 2m50, avec des tracteurs qui portent des outils de 3m et avec des hauteurs de plantation de kiwis de près de 3m et des maïs en pleine plantation de 2m, il n’y a pas de visibilité. Comment va t’on partager la route ? Ecoutez… ils verront hein ? »
Oui, ce Gave est un seigneur!
J’ approuve les propos et convictions d’Antoine et André, d’autant que ce jour-là, nous étions
cruellement frappés et cependant convaincus de la légitimité de notre combat citoyen et nous allons le poursuivre jusqu’à la victoire du vivant sur l’industrie.